• Une inévitable paupérisation du Web

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    Une inévitable paupérisation du Web

    Et si l’Internet gratuit et foisonnant cédait la place à un web marchand et stérile? Les changements s’accélèrent sur le web à mesure que sa consultation devient de plus en plus nomade et que les technologies évoluent. Prenons deux exemples récents: la polémique sur le langage Flash et le développement de la notion d’applications.

    Sur l’iPad une grande partie du web est désormais invisible: tout ce qui est graphiques animés, web documentaires, la plupart des vidéos hébergées sur les sites d’information. Mêmes effets sur la plupart des sites de photographie ou sur des services de streaming comme Deezer ou MusicMe, tous deviennent aveugles ou muets sur la tablette d’Apple.

    La raison est une controverse de geeks qui avait autant de raisons d’affecter les gens normaux que des choix de papier ou d’encre pour la lecture d’un journal. Un rappel rapide: en 1996, la société Macromedia invente le langage Flash . En 2005, la société Adobe rachète Macromedia. Flash est devenu l’outil de base pour neuf sites sur dix, pour les animations et pour l’intégration de millions de vidéos.

    Début avril dernier, l’hodjatoleslam Steve Jobs décrète une fatwa sur Flash. A l’entendre, Flash est gourmand en mémoire, en puissance en autonomie et est instable. L’iPad: son navigateur Safari refuse de lire les sites qui comportent du Flash, d’où la sensation que le web, même vu au travers du fabuleux écran de la tablette d’Apple, est bien amputé. Ce n’est que le début Microsoft, partage les convictions d’Apple et ne supportera plus ce standard dans la version 9 de son navigateur Internet Explorer. Tout le monde bascule vers la version 5 du standard HTML. Les anciennes vidéos sont progressivement remplacées par de nouveaux formats,seul une petite fraction sera même convertie. Mais pour  le reste, ce qui a été conçu en Flash, ne pourra être retraduit en HTML 5; la plupart des contenus interactifs du passé seront aussi morts que du papyrus.

    Bornons-nous simplement à noter qu’une équipe de nerds influents, décrète que ses nouvelles lunettes ne seront plus capables de lire une grande partie de notre bibliothèque collective multimédia. Les grands industriels du secteurs  – constructeur de PC, éditeurs de logiciels –  sont soucieux de préserver la capacité pour une nouvelle application de fonctionner sur une machine un peu ancienne, autant ils se foutent éperdument des contenus éditoriaux passés auxquels ils associent une valeur tendant vers zéro.

    Gare à ceux, donc, qui vont tarder à adopter les standards dans le vent. Ils vont se trouver vite fait sur la pente glissante qui précipitera des milliers de contenus dans l’oubli.

    Mais il est une tendance plus lourde encore, c’est la réorganisation de l’Internet autour d’applications.

    La première phase du web a été dominée par un langage unique, le HTML ouverte, gratuitement accessible, et formidablement documentée. 2008 marque un tournant décisif.  Apple avait lancé son iPhone. Le 28 juillet 2008, la marque ouvre le nouvel âge du net en lançant son «App Store», le même jour dans 62 pays. Au lieu d’un système ouvert vers le reste du net, l’application offre un environnement fermé, intime, où l’utilisateur-lecteur reste dans l’environnement, souvent riche d’ailleurs, que l’éditeur a bien voulu lui donner. Le système d’«apps» offre la possibilité de passer du gratuit au payant grâce à un système transactionnel qui, moyennant 30% de commission, gère la mise à disposition de l’application, la collecte et le reversement.

    Le web selon les «apps»

    Trois ans après, le principe des applications est un succès. Avec un gagnant écrasant: Apple: 200.000 applications disponibles, contre 38.000 pour Android (l’operating system pour smartphone de Google ), 5.400 pour Blackberry, et 1.000 pour Windows Mobile. Les chiffres de l’écosystème d’Apple sont éloquents: au total, 85 millions de terminaux fonctionnent sous l’iPhone OS; des iPhone, des iPod et  des iPad. Les «apps» ont été téléchargées 4 milliards de fois. 

    Tout cela semble parfait. Dès lors qu’ils sont mobiles, les habitués du web migrent massivement vers une navigation au travers d’applications, ce qui permet de les faire payer (un peu) et renforce du même coup le lien avec les marques, ce qui peut se révéler utile dans un domaine comme l’information.

    Alors, où est le problème?

    L’accès au web par des applications propriétaires va très exactement à l’encontre de la notion d’universalité de l’Internet construite sur des protocoles ouverts, gérés par des organisation multilatérales comme le W3C. En effet, les deux ne peuvent coexister longtemps. A mesure que les éditeurs de sites voudront monétiser leurs contenus via les applications, ils devront réduire tout ce qui est librement accessible sur le web. On se dirige alors tout droit vers un web multiclasses; sur les ponts supérieurs du navire, des contenus riches, encapsulés dans applications payantes, le cas échéants avec des pubs chics et joliment dessinées; en classe touriste un internet hérissé de péages plus ou moins onéreux, et dans les vastes soutes, des contenus gratuits, pauvres, minimalistes, avec une information type commodity (le même magma basique qu’on retrouvera sur les portails et les réseaux sociaux), financés par une publicité moche et agressive.

    Dit autrement, le développement des applications ouvre la voie à une paupérisation massive de ce qui est aujourd’hui l’Internet «ouvert».

    Certes, la menace n’est pas imminente. Une vision optimiste voudrait qu’au regard des 1,8 milliard de personnes connectées au net dans le monde, la part de marché des smartphones et autres tablettes reste longtemps infinitésimale.

    On a beau avoir l’esprit large sur la nécessité de trouver des modèles économiques viables pour l’Internet –ne serait-ce que pour financer une information de qualité– il est difficile de rester optimiste face à ce cloisonnement progressif. Une lueur d’espoir cependant. Par sa taille, sa structure décentralisée et multiculturelle, l’Internet est un  système quasi-organique. Il est possible qu’il sécrète ses propres anticorps capables de préserver le côté foisonnant, démocratique et universel qui fait sa richesse.

     

    (Source : slate.fr )

     

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